Détermination
Il n'y a pas de critère bien défini qui permette de reconnaître Salsola vermiculata si ce n'est que les feuilles sont regroupées en petits bouquets régulièrement espacés sur les rameaux.
Les feuilles peuvent être petites et sphériques ou allongées et cylindriques ; les fleurs sont entourées de 5 ailes translucides blanches, jaunes ou rouges, presque régulières même si deux d'entre elles sont un peu plus petites que les 3 autres.
On détermine souvent Salsola vermiculata par défaut :
- les fleurs sont trop grandes et les feuilles trop espacées pour que ce soit Salsola imbricata
- les groupes de feuilles sont alternes et trop régulièrement disposés pour que ce soit Salsola tetrandra
Salsola vermiculata fait partie de ces espèces variables dont il est assez facile de déterminer une population dans sa diversité, mais dont il est aléatoire de vouloir déterminer une photo isolée de son contexte ou un rameau en herbier.
Une espèce d'abord décrite en Espagne
Salsola vermiculata a été décrite par Linné en 1753 comme une plante espagnole.
Les planches "types" de Linné montrent à gauche un rameau fructifié, à droite un rameau dont les fruits sont tombés mais qui porte des gales en partie haute. Les deux rameaux n'ont que des petites feuilles globuleuses.
Flora iberica regroupe sous Salsola vermiculata tous les taxons décrits ultérieurement en Espagne (S. microphylla, S. flavescens) ; par contre Flora de Andaloucia occidental distingue deux taxons, S. vermiculata et S. brevifolia :
Une espèce polymorphe
J'ai eu la chance de trouver une grande station de Salsola vermiculata dont une partie était surpâturée par des chèvres et dont l'autre partie venait d'être mise en défens pour replanter des Pins d'Alep. Cette station est située dans le Haut-Atlas oriental, à 1700m d'altitude en exposition sud dans une zone où s'amorce la transition entre la flore des hauts-plateaux (steppe à alfa) avec la flore saharienne.
Milieu surpâturé par les chèvres
Milieu mis en défens
Cette station montre à quel point la morphologie des rameaux dépend des circonstances et ne peut pas être utilisée comme un argument taxonomique. Cela invite alors à regrouper toutes les occurences dans un agrégat S. vermiculata sensu lato et à ne tenter de distinguer des sous-espèces ou variétés que lorsqu'on dispose d'un matériel abondant pour de vastes populations dont la morphologie aux différents stades et l'écologie sont bien connues.
Salsola brevifolia Desf.
Desfontaines a nommé Salsola brevifolia une plante originaire de Gafsa en Tunisie aride :
Ces parts d'herbier ne permettent pas d'établir clairement de différence entre le S. brevifolia tunisien et le S. vermiculata espagnol.
Battandier & Trabut dans leur flore d'Algérie (1888) réintègrent le taxon de Desfontaines comme une variété Salsola vermiculata var. microphylla :
Au final - et mis à part le cas de S. vermiculata var. microphylla f. albescens - il semble que Salsola brevifolia doit être abandonnée et ses citations reversées dans Salsola vermiculata sensu lato.
Salsola cf spinescens = Salsola acanthoclada Botsch.
Battandier a décrit en 1892 un taxon qui se distingue nettement des formes habituelles de S. vermiculata par ses rameaux courts qui durcissent et deviennent piquants après la chute de leurs feuilles. Il a nommé ce taxon S. spinescens Moquin mais ce nom s'applique en fait à une plante de l'est de l'Afrique. Botschantzev l'a renommé S. acanthoclada.
Ce taxon, initialement décrit en Algérie, est également bien présent dans le sud-est du Maroc. Je ne l'ai pas encore trouvé en fleurs ou en fruits et je ne sais pas s'il faut conserver S. acanthoclada ou en faire une sous-espèce S. vermiculata subsp. acanthoclada.
Salsola portilloi & S. frankenioides
Caballero a décrit aux alentours de Sidi Ifni, sur la côte des Tekna, trois taxons appartenant à l'agrégat Salsola vermiculata ; il s'agit de Salsola portilloi, S. vermiculata subsp. frankenoides et S. vermiculata var. pseudopapillosa.
Ces deux taxons sont reconnus comme deux espèces distinctes par la Flore pratique du Maroc mais ils sont rejetés par Alain Dobignard.
Ces deux taxons forment un population circonscrite géographiquement et bien identifiable sur le terrain. Selon moi il s'agit de deux formes (jeunes rameaux vs vieux rameaux) d'une population qui serait la mieux décrite comme Salsola vermiculata subsp. portilloi.
Salsola vermiculata subsp. sahariensis
Dans le nord du Sahara atlantique, on rencontre de grandes populations de Salsola vermiculata avec une morphologie constante ; ce sont des plantes très vigoureuses qui peuvent former des steppes monospécifiques ; le diamètre du tronc peut atteindre 10cm, les feuilles sont courtes, globuleuses et terminées en pointe. Ces populations méritent d'être décrites comme une sous-espèce sahariensis.
Répartition de Salsola vermiculata sensu lato
La carte de africanplantdatabase.ch pour le sud du Sahara (sub Caroxylon vermiculatum (L.) Akhani & Roalson) est surprenante ! Je n'ai jamais vu (pas plus que Théodore Monod ou Annie Garcin) Salsola vermiculata en Mauritanie ; s'agirait-il de confusions avec S. imbricata ou S. glomerata ?
Par contre j'ai bien observé Salsola vermiculata dans le Hoggar à Tamanrasset.
Références botaniques
Noter que mon analyse porte sur l'étude globale de populations et privilégie de concept de "sous-espèce géographique". Cela conduit à être "lumper" au niveau spécifique en ne reconnaissant qu'une seule espèce, Salsola vermiculata, à être "splitter" au niveau sub-spécifique en distingant les populations écologiquement et morphologiquement bien définies. Toutes les observations imprécises ou incomplètes étant rejetées dans l'agrégat Salsola vermiculata sensu lato.
africanplantdatabase.ch | (CJB Genève)
gbif.org | Global Biodiversity Information Facility
teline.fr | Biodiversité végétale du sud-ouest marocain
[Extrait de la "Flore de l'Afrique du Nord" de R. Maire]
Salsola vermiculata L.
Plante vivace. Arbuste pouvant atteindre 1 m, rameux dès la base, à rameaux alternes, dressés ou étalés-diffus, à ramules ± effilés, ordinairement tous florifères au sommet. Tronc et branches couverts d'un rhytidome gris, fissuré; ramules blanchâtres, ± villeux par des poils étalés, ± crépus, à base étroite, formés d'une file de cellules séparées par des cloisons transversales, à membrane tellement épaissie dans les cellules distales que leur lumière disparaît complètement ou persiste seulement sous forme d'un canal très étroit et interrompu. Membrane des poils portant sur toute la longueur de ceux-ci de petits aiguillons étalés, ± nombreux et ± longs, rendant le poil spinuleux (à un grossissement de 2040 diam.).
Feuilles alternes, de forme et de dimension très variables; les plus caractéristiques se développant sur les jeunes ramules turionaux, où elles sont ordinairement longues (8-15 mm), linéaires, étroites, atténuées au sommet en pointe ± obtuse, subtrigone, élargies et canaliculées à la face supérieure vers la base, dilatées en éperon ± accusé sur le dos à la base, ± villeuses par des poils semblables à ceux des ramules. Feuilles des brachyblastes serrées, souvent ± imbriquées, petites, courtes, à base élargie, nettement éperonnée, à pointe conique, subtrigone, obtuse. Structure anatomique : épiderme à stomates non enfoncés, portant des poils ± nombreux; hypoderme souvent oxalifère (à mâcles); une assise de chlorenchyme palissadique court, une assise de cellules subpalissadiques, puis un parenchyme aquifère abondant, entourant la nervure médiane et contenant des cellules oxalifères, ± nombreuses; réseau des nervilles appliqué contre les cellules subpalissadiques; structure centrique, à chlorenchyme continu, dans la pointe de la feuille; structure bifaciale, à chlorenchyme développé seulement sur la face externe dans la partie basale, élargie de la feuille.
Fleurs toutes ♂♀, solitaires à l'aisselle des feuilles florales, et formant des épis assez courts, ± denses, disposés en panicule terminale, longue et étroite. Feuilles florales ordinairement ± squamiformes, ovales, largement marginées-scarieuses, à pointe nulle ou très réduite, plus courtes que la fleur ou l'égalant. Bractéoles 2, suborbiculaires, obtusément carénées sur le dos, herbacées, largement marginées-scarieuses, égalant à peu près la feuille florale ou un peu plus courtes.
Périanthe à l'anthèse vert-jaunâtre, ové-oblong, à 5 sépales presque libres, ± connivents, ovales ou ovales-oblongs, obtus, portant une tache verte, herbacée, triangulaire, sur le dos, du reste membraneux, pourvus d'une carène transversale à la base de la tache herbacée, subégaux, c, 2,5 mm long.
Etamines 5, à filets blanchâtres, aplatis, graduellement dilatés à la base où ils sont connés en un disque très court, sans lobes interstaminaux; anthères exsertes, jaunes, oblongues, bifides jusqu'au milieu à la base, obtuses et papillées au sommet, 1-1,25 mm.
Ovaire ovoïde, atténué en une colonne stylaire surmontée de 2 stigmates révolutés, filiformes, longuement papilleux sur leur face interne, pourpre-noir. Périanthe fructifère à sépales portant sur le dos une aile transversale, membraneuse, blanchâtre, rosée ou purpurine, flabelliforme, finement striolée, à marge légèrement sinuée; ailes formant une couronne de 7-10 mm diam.
Akène inclus dans le périanthe fructifère, à Péricarpe membraneux, même au sommet, facilement séparable de la graine.
Graine horizontale, lenticulaire, ≈ 2,5 mm diam., à tégument membraneux, lisse; embryon vert, enroulé en escargot, à radicule peu saillante.
Floraison : juin-octobre, et après les pluies dans le Sahara.
Milieux : Falaises maritimes, steppes argileuses salées, pâturages rocailleux arides, rochers arides jusque dans le Sahara.
Aire géographique : Europe méridionale. Syrie. Palestine. Egypte.